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Elections européennes : le regard des Français sur le concept de souveraineté illustre un grand malentendu

C’est un grand malentendu. La souveraineté est dans toutes les bouches mais n’est pas dans tous les cœurs. Au lendemain du second discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, la quatrième vague de l’enquête Ipsos, en partenariat avec le Cevipof, l’Institut Montaigne, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde éclaire les distinctions à opérer pour comprendre la réception, par les Français, de la question de la souveraineté.
Il y a, d’une part, la souveraineté comme concept. Lorsque le nom commun est utilisé seul, sans adjectif qualificatif, il est alors saturé par son histoire et il est nécessaire de faire un détour par l’usage de ce mot depuis cinquante ans pour décrypter l’opinion des Français. Hier, la souveraineté était un mot tabou. Elle était frappée d’illégitimité, en raison de ceux qui la revendiquaient bruyamment – l’extrême droite – et de ce à quoi elle était assimilée couramment – sa dérive souverainiste ou sa pathologie nationaliste. Ce faisant, et pendant des décennies, le mot était tout simplement inutilisé par tous ceux qui occupaient l’espace politique central.
L’analyse sémantique des déclarations de politique générale prononcées entre 1974 et 2022 est de ce point de vue édifiant : seize discours et… douze références seulement à la souveraineté. Peut-être plus illustratif encore, le mot n’est prononcé que trois fois par Philippe Séguin dans son célèbre discours de 1992 contre le traité de Maastricht – alors même que, en l’espèce, il s’agissait bien d’un transfert de souveraineté avec l’abandon du franc et la création de l’euro.
Aujourd’hui, la souveraineté a retrouvé une légitimité dans le discours public. Avec le premier discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne en 2017, la souveraineté, en devenant européenne, est redevenue acceptable – le mot y a été prononcé vingt-trois fois. Dans son second discours de la Sorbonne, le 25 avril, le chef de l’Etat s’est d’ailleurs félicité, en utilisant à nouveau seize fois le mot, de ce que ce concept, « qui pouvait sembler très français », se soit « progressivement imposé en européen ».
Entre-temps, il a été pleinement réintégré dans le champ national. Les premiers ministres Elisabeth Borne puis Gabriel Attal l’ont utilisé trente-sept fois dans leur déclaration de politique générale, soit davantage que tous leurs prédécesseurs réunis. Décliné à l’infini – défense, numérique, industrie, écologie, santé, immigration –, le mot tabou est devenu un mot totem.
Le problème est que sa réception n’a pas connu la même évolution. Qu’évoque en effet la souveraineté pour les Français ? En premier lieu, un concept polysémique. Invités à choisir le mot qui, pour eux, évoque le plus celui de souveraineté, ils hésitent et se dispersent entre le « nationalisme » (22 %), l’« indépendance » (20 %), la « puissance » (20 %), le « protectionnisme » (11 %) et la « liberté », l’« autodétermination » ou la « protection » (un peu moins de 10 % chacune).
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